L’Allemagne peine à attirer les travailleurs extra-communautaires
L’appel de l’Allemagne adressé aux travailleurs n’appartenant pas à l’Union européenne est resté sans réponse. D’après les chiffres de l’agence pour l’emploi allemande publiés lundi 18 août, ils sont seulement 170 étrangers non communautaires à être venus tenter leur chance en Allemagne, après que le gouvernement d’Angela Merkel a ouvert, en juillet 2013, la porte à l’immigration du travail extra-européenne.
Ou plutôt entrouvert, car il avait alors défini une liste exhaustive de 18 secteurs où l’embauche de travailleurs non européens n’est soumise qu’à la seule condition de présenter un diplôme professionnel correspondant au métier visé.
Objectif : lutter contre le vieillissement de la population, et donc une pénurie de main-d’œuvre. Plus d’un Allemand sur cinq a plus de 65 ans aujourd’hui. Un déclin démographique qui ne fait que s’aggraver : en 2030, le nombre des plus de 65 ans devrait augmenter de 30 %, tandis que celui des jeunes devrait diminuer de 20 %.
Non seulement l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, mais le nombre d’enfants par femme stagne à un niveau insuffisant pour assurer le renouvellement des générations.
PLOMBIERS, AIDES-SOIGNANTS…
Par ailleurs, le chômage atteint 5 %, et certaines régions, notamment du sud du pays, sont en situation de plein emploi. A tel point que l’Allemagne manque de main-d’œuvre sur un patcwhork de professions au niveau de qualification varié : plombiers, aides-soignants ou encore mécatroniciens (qui conjugue mécanique, électronique et informatique).
Mais la politique adoptée par le gouvernement allemand a été un échec au regard du faible nombre de professionnels venus de l’extérieur de l’Europe pour travailler en Allemagne. « Un échec relatif », temporise Henrik Uterwedde, directeur adjoint de l’Institut franco-allemand du Ludwigsburg.
En cause, la barrière de la langue. Mais aussi des blocages liés à la reconnaissance des diplômes. « Le patronat insite beaucoup sur le besoin d’accompagnement et de requalification des professionnels », rapporte M. Uterwedde.
Johannes Gareis, spécialiste de l’Allemagne chez Natixis, envisage également deux autres hypothèses : « Soit les personnes non européennes ne savent pas que l’entrée sur le marché du travail allemand est devenue plus facile, soit elles le savent, mais ne veulent pas y entrer. »
Et de poursuivre : « Dans le premier cas, la situation peut être changée par plus de communication, dans le second, les choses sont plus compliquées » et nécessitent notamment le développement d’une culture d’accueil.
Autre raison possible à cet échec, selon lui : « Il n’y a pas nécessairement d’excès de main-d’œuvre pour ces métiers spécifiques dans les pays en-dehors de l’Europe ».
UN PRÉCÉDENT PEU FRUCTUEUX
Un échec pas si surprenant donc, au regard de la multiplicité des obstacles, mais également d’un précédent remontant aux années 90. La « green card », instaurée par le gouvernement à l’époque, avait poursuivi le même but, en cherchant notamment à attirer des techniciens originaires de pays émergents, sans remporter davantage de succès.
En revanche, d’autres mesures se sont révélées efficaces. C’est le cas de la « blue card », qui a facilité l’installation d’étudiants étrangers hautement qualifiés en leur permettant de rester travailler après la fin de leurs études en Allemagne. De même s’agissant de programmes d’insertion s’adressant spécifiquement aux étudiants d’Europe du Sud qui ont favorisé une plus forte mobilité intra-européenne.
Mais étendre ces succès à de nouvelles catégories de personnes n’est pas qu’une question de formalités administratives. « Travailler sur l’attractivité de l’Allemagne demande du temps, 170 personnes, c’est une photo qu’il faut mettre en perspective, estime Henrik Uterwedde, c’est un début qui révèle la nécessité de développer une politique d’envergure allant au-delà d’une simple ouverture administrative. »
Cependant, précise-t-il, le développement de l’immigration professionnelle « n’est qu’un des leviers », à côté de celui du recul de l’âge de départ en retraite ou encore de l’augmentation des capacités de garde des enfants pour permettre aux femmes de travailler davantage.
Des leviers qui devront tous être activés de manière complémentaire puisque, prédit M. Uterwedde, « l’Allemagne aura besoin de bras ».
Source : Le Monde