Rendre l’échange franco-allemand accessible pour tout le monde
Célia Barrez, 29 ans, est une de six « Jeunes Ambassadeurs Diversité et Participation » de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ). Actuellement à Tübingen pour faire un doctorat franco-allemand sur le décrochage scolaire, la jeune Française passe son temps libre à promouvoir les activités d’échange et de rencontre franco-allemandes dans les deux pays.
Quel est le travail d’un Jeune Ambassadeur de l’OFAJ?
C’est du bénévolat. Nous avons tous une occupation principale à côté, un travail ou des études, par exemple. On doit faire au minimum cinq actions par année. Parfois, ce sont des choses très simples, par exemple l’organisation d’une journée footing franco-allemand par les Ambassadeurs régionaux. Mais nos tâches sont aussi de participer aux salons européens pour promouvoir les activités de l’OFAJ, intervenir dans des écoles, ou encore de faire des projets avec les Instituts français ou les Goethe-Instituts. Une de nos tâches consiste également à organiser des rencontres avec les partenaires institutionnels de l’OFAJ, ce sont alors des réunions un peu plus politiques.
Quelle est la spécificité d’un « Jeune Ambassadeur Diversité et Participation » de l’OFAJ?
Ces postes existent depuis 2014, j’étais alors parmi les premières à y être nommées. Ils ont surtout pour mission d’atteindre les gens qui ne sont pas forcément touchés par les sujets franco-allemands. C’est normalement une classe assez homogène qui participe dans les programmes franco-allemands, des gens qui ont fait Abi-Bac, qui ont des parents binationaux ou qui connaissent le pays voisin de vacances. L’idée c’est de faire en sorte que ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui postulent aux programmes de l’OFAJ.
Quelle a été ta motivation pour ce poste spéciale ?
Ces dernières années, j’ai participé à un échange Brigitte Sauzay, et j’ai réalisé mon année Erasmus à Berlin. Aujourd’hui, je fais mon doctorat ici en Allemagne, d’ailleurs sur une thématique assez liée à mon travail d’Ambassadrice Diversité et Participation. Comme j’ai particulièrement profité des échanges internationaux et franco-allemands que j’ai pu réaliser, je souhaitais faire partager cette expérience avec un grand nombre de personnes. J’ai toujours eu cette envie de capter les personnes qui sont plutôt éloignés de tout cela, les gens qui n’ont tout simplement pas eu l’information ou l’opportunité de pouvoir participer à ce genre de programmes. L’idéal pour moi serait que chaque personne puisse perdre ses préjugées en participant aux activités franco-allemandes. Je voudrais que cette chance soit accessible à tout le monde, n’importe d’où ils viennent ou qu’est-ce qu’ils font dans la vie.
Comment tu t’es préparée à ta mission en tant que Jeune Ambassadrice ?
Au début de chaque mandat de trois ans, on a une formation avec tous les Ambassadeurs. Ils nous expliquent nos missions et comment on peut rentrer en contact avec la population. Mais on apprend aussi beaucoup sur le terrain. Il faut un certain temps pour prendre des contacts, et pour trouver les personnes à qui l’on voudra s’adresser. La première année, c’est alors beaucoup de découverte et d’apprentissage, après cela s’intensifie et évolue plus. C’est pour cela qu’une durée de trois ans pour ce poste est utile.
Est-ce que tu organises des actions ensemble avec d’autres Ambassadeurs ?
Moi non, parce que nous sommes très loin les uns des autres. Au départ, il y avait beaucoup d’ambition de monter quelque chose avec d’autres Ambassadeurs, mais un projet commun demanderait beaucoup plus de temps et de travail. Alors la plupart du temps nous sommes seuls à faire nos projets, même si de temps en temps je coopère avec les autres pour certains sujets concrets.
Combien de temps est-ce que tu travailles par semaine ?
C’est très variable. Cette dernière année était la plus intense. Par exemple, pour mon projet actuel je travaille avec la professeur de français d’une école qui m’a demandé d’intervenir dans ses deux classes. Selon elle, ses élèves s’intéressent de moins en moins au cours de français, et c’est la deuxième année consécutive qu’elle ne peut pas organiser d’échange franco-allemand à cause du manque d’élèves intéressés. Toutes les semaines j’interviens alors pendant deux heures par classe, cela fait un total de quatre heures, car c’est une classe de troisième et une classe de seconde.
Quelles activités est-ce que tu fais avec les élèves ?
J’essaie de leur donner envie d’apprendre le français, mais aussi de trouver un intérêt pour la culture et de leur donner envie de partir en France. Pour cela, on fait de l’animation linguistique, sur la base de jeux ou d’activités interactives. J’organise également des séances sur les stéréotypes, car il y a avait beaucoup d’élèves dans la classe qui avaient de grands préjugés.
Y-a-t il une question qui t’es posée le plus souvent ?
« Est-ce qu’il faut parler la langue pour pouvoir faire un échange ? ». Une question qui est surtout posée par les jeunes, mais aussi des acteurs institutionnels ou associatifs. Je leur réponds que moi non plus je ne suis pas née avec l’allemand dans la bouche. C’est seulement en partant qu’on apprend la langue et culture du partenaire. Aussi, je leur rappelle qu’il y a beaucoup d’autres façons de communiquer qu’on ne soupçonne même pas. La question de la langue ne doit pas être un obstacle si vous avez envie de partir et découvrir.
Qu’est-ce que tu trouves difficile dans ton travail en tant qu’Ambassadrice de l’OFAJ ?
Le plus difficile est de devoir accepter qu’on ne peut jamais intéresser tout le monde, même si on est vraiment convaincu de ce qu’on fait. C’est dur parfois aussi de réaliser que ce que tu fais n’a pas forcément des conséquences immédiates. On ne doit pas s’imaginer qu’on vient parler de l’amitié franco-allemande, et que le lendemain toute la classe adhère à 100%. Cela peut avoir un effet dans un an, dans deux ans, voire plus tard. Mais il ne faut pas que ce soit décourageant, il faut rester enthousiaste même s’il y a des moments frustrants.
Quelle expérience était particulièrement positive pour toi?
On a fait un projet e-twinning dans une école où j’interviens. C’est un échange virtuel entre une classe allemande et une classe française. Dans une classe, il y avait un élève qui n’était pas facile, il n’écoutait pas, il faisait part dans ses commentaires de grands stéréotypes sur les Français, il était vraiment difficile. Mais au fil des semaines, il s’intéressait de plus en plus au projet ! Il regardait sa messagerie chaque jour pour voir si son correspondant français lui avait écrit. A la fin, il écrivait même avec deux Français en même temps, et venait me voir pour demander si le message qu’il avait composé pour leur répondre était compréhensible. C’était une petite réussite pour moi. C’est quand on voit que l’on a réussi à toucher une personne, quand on s’imagine qu’à l’avenir cette personne fera ce que l’on fait, c’est-à-dire partager l’enthousiasme pour l’amitié franco-allemande avec des autres, que cette fonction d’Ambassadeur prend tout son sens.
Tu arrives bientôt à la fin de ton mandat, qu’est-ce que tu donnerais comme conseil à tes futurs successeurs ?
Je leur conseille de rester en contact avec les anciens Ambassadeurs, d’accepter leurs conseils pour ne pas perdre ce qui a déjà été fait. Je leur conseille de continuer à aller dans les endroits où l’information ne passe pas facilement sans nous, et surtout de toujours garder beaucoup d’enthousiasme.
Source : parisberlinmag.com